L’évolution du climat pose la question de l’avenir de la viticulture méditerranéenne. Face à des réalités qui impactent déjà nos terroirs, chercheurs, instituts techniques et vignerons s’emploient à trouver des solutions applicables au vignoble.
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La première vendange de la parcelle de vignes de Rians, dans le Var, où a été installé le système d’ombrières mobiles équipé de panneaux solaires est achevée et les résultats sont concluants :
« Avec notre solution, on a constaté une baisse d’un degré d’alcool sur la première récolte », déclare Julie Davico-Pahin, la cofondatrice et codirigeante de la société spécialisée dans les solutions d’ombrage pour protéger des cultures agricoles des aléas climatiques, tels que les températures extrêmes, la grêle ou le gel.
« Avec changement du climat, la sécheresse et le soleil qui tape trop fort sur les vignes, les taux de sucre montent très vite dans les raisins et, par conséquent, le taux d’alcool augmente fortement dans le vin. On obtient alors par exemple des vins à 15° d’alcool ».
Tout aussi important que l’irrigation, la réduction de la pression climatique sur les vignes s’annonce comme une autre option pour la société aixoise Ombréa. Elle expérimente depuis deux ans, un outil innovant de système de régulation climatique par ombrières pour des cultures de plein champ. « Il s’agit de panneaux photovoltaïques intelligents installés au-dessus des cultures et portés par des structures d’acier, qui créent un microclimat favorable à leur croissance. D’autres outils peuvent être adaptés sur la structure de l’ombrière, comme des filets anti-grêle pour faire face aux effets climatiques extrêmes », explique l’ingénieur agronome, Samuel Roy.
Le pilotage des panneaux et leur déploiement pour créer de l’ombre se font automatiquement en fonction des données climatiques de la parcelle. Le site expérimental de Rians, dans le Var, évalue l’impact global de l’outil sur le végétal, le rendement et la production. « Pour 2020, on est encore dans l’analyse mais on a pu dégager des tendances intéressantes de la vigne sous ombrières. La croissance végétative est influencée positivement. Et, en 2019 comme en 2020, un décalage de maturité et du stress hydrique de la vigne ont aussi été constatés, ils sont moins intenses et arrivent plus tardivement », commente Samuel Roy.
Les solutions d’ombrage proposées peuvent être associées à une production d’électricité solaire, c’est d’ailleurs une option que la société propose à ses clients, toutefois Julie Davico-Pahin ne veut pas mettre la production d’électricité et la production agricole sur le même plan.
” il ne suffit pas de mettre des panneaux photovoltaïques pour que les cultures poussent en dessous, rappelle la dirigeante d’Ombrea. « Quand on sait à quel point les végétaux sont sensibles à la moindre variation climatique, d’ombrage par exemple, il faut être extrêmement vigilant. On a vu l’écueil d’un grand nombre de projets, notamment des serres photovoltaïques dans le Sud-Est. » Sous ces serres, seuls des champignons pouvaient pousser par exemple, explique-t-elle.
D’autre part, un conflit d’usage peut être généré : les objectifs en termes de production d’énergie renouvelable de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sont extrêmement ambitieux, et les énergéticiens font face à un problème de disponibilité foncière pour répondre à ces ambitions. « La France est un pays agricole, mais la précarité des agriculteurs est réelle. Si on rajoute de la spéculation foncière sur leurs terrains, cela complique encore leur situation. » Un détournement de terres agricoles serait mal perçu par les agriculteurs déjà méfiants vis-à-vis du photovoltaïque.
Ainsi, l’installation photovoltaïque permet avant tout, via l’injection de l’électricité sur le réseau et les tarifs d’achat, de financer leur outil et de permettre aux agriculteurs d’avoir un retour sur investissement plus rapide.
C’est ce qui a été fait près de Rians, sur la parcelle de 1000 m² où a été effectuée la première vendange — projet par ailleurs mené avec la Société du Canal de Provence et doublé d’une étude agronomique et d’un suivi scientifique en partenariat avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV).
Le viticulteur du Var, Gautier Hugues, a d’ailleurs souhaité installer la solution sur une autre parcelle de 2000 m² de vignes plantées cette année. Dans ces deux cas, des installations photovoltaïques de 30 kWc et de 60 kWc ont été installées.
« On croit très fort à la possibilité d’avoir du photovoltaïque sur des terrains agricoles, mais uniquement dans certains cas de figure et selon certaines conditions. Et les conditions sur lesquelles on est vraiment vigilant, c´est le pilotage, à savoir quand ouvrir ou fermer le système, ce que nous sommes les seuls à savoir faire actuellement », précise Julie Davico-Pahin.
Pour répondre au changement climatique, l’irrigation est une autre solution : mais çà c’est une autre histoire…