Le jacquez , le vin de la discorde

Noah, concord, isabelle, jacquez, baco noir, clinton, muscat bleu… Les cépages interdits sont légions depuis la création des Aop , l’administration veut elle la peau de ces variétés hybrides anciennes ?

Le Jacquez est un cépage chargé d’histoire , en effet, cet hybride producteur direct est une
vigne américaine, importée en Ardèche au 18 é siècle : réalisé à partir d’un cépage français, issu de Vitis vinifera, croisé avec Vitis aestivalis et Vitis cinerea (vignes américaines)

Il figura sur la liste des cépages autorisés à l’élaboration de Chateauneuf du Pape

(légalement jusqu’en 1935 et officieusement jusqu’en 1956).

Longtemps utilisé , il fut utilisé comme porte-greffe dans le midi de la France pour les besoins de la reconstruction du vignoble après la crise du phylloxéra en 1873 en raison de sa grande résistance aux maladies (oïdium, mildiou) et phylloxéra : certaines de ces vignes greffées sur jacquez existent encore aujourd’hui , il fut véritablement le “Héros” de la reconstruction du vignoble Français.

En France, c’est un cépage qui a été prohibé en 1935 ainsi que les cinq autres du même groupe : le clinton, l’herbemont, l’isabelle, le noah et l’othello.

L’interdiction du commerce a été reprise dans les règlements européens.

La culture de ces six cépages a été interdite, 

officiellement pour des raisons sanitaires.

En effet, le taux de méthanol (toxique du nerf optique) du vin issu de ces cépages serait plus élevé que dans celui issu de Vitis vinifera (les cépages classiques). 

Pourtant, une simple analyse permet de prouver que ce taux n’est pas si élevé qu’on le dit , la volonté à l’époque de conserver une « image de prestige » pour les vins français sembla justifier le maintien de cette interdiction, les six cépages cités plus haut donnant des vins “différents” de ceux issus de Vitis vinifera : l’accusation de mauvais goût portée à leur encontre fut donc fort contestable et irréaliste , on y retrouve des bouquets aux arômes de cassis, de framboise, ou de fraise des bois et qui serait interdit par voie de loi.

« une étoffe colorante soutenue , un olfactif franc, plaisant et bien développé, basé sur les notes de fruits noirs confiturés ; quelques touches d’épices douces ; un nez complexe et nuancé ; de la rondeur a l’attaque finissant par le velours de la matière ; une adéquation acidité, alcool, tanins en parfaite harmonie et un équilibre de qualité exceptionnel ; un vin qui accompagnera une cuisine raffinée et goûteuse. »

Stéphane Debaille, meilleur sommelier de France 1992.

Pourtant Sécheresses , grêle, orages, les nerfs des viticulteurs sont mis à rude épreuve depuis plusieurs années.

Les vignerons le disent : la vigne doit souffrir pour faire un bon vin.

Mais modérément et les dérèglements climatiques n’en ont que faire , depuis quelques années, la région Sud subit la sécheresse.

Le Sud de la France bientôt “invivable” ?

En 2050, les températures avoisineront 50°C

Pour Antoine Nicault, la fréquence des événements climatiques extrêmes va encore augmenter (écologue, paléoclimatologie et coordinateur du GREC-SUD).

Le groupe régional d’experts sur le climat en région Sud  Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-SUD) a vocation à centraliser,  transcrire et partager la connaissance scientifique sur le climat et le  changement climatique en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.

C’est maintenant une certitude : le réchauffement climatique actuel est sans précédent depuis 2001 et il est sans retour.

Nous entrons dans un nouveau monde dans lequel il y aura un impact très fort avec des vagues de chaleur, des pluies diluviennes, des sécheresses et une élévation du niveau de la mer.

Pour la vigne , le manque d’eau nuit gravement à l’expression du cépage quel qu’il soit , mais certains souffrent plus que d’autres.

Pour certains vignerons , point de salut sans irrigation.

Depuis 2010, des vignes sont irriguées avec des eaux de différentes qualités dans différents pays du monde : l’utilisation des eaux usées pour l’agriculture est très courante , comme en Australie, Israël, Californie, Espagne et avec des contrôles sanitaires moins stricts qu’en France.

En France, elle est autorisée pour la production des vins de pays (IGP) et de table (Vin de France). Concernant les AOC, même si les règles se sont assouplies, elle est interdite pendant la phase de croissance, sauf en cas de dérogation.

L’eau utilisée provient soit d’un réseau de canaux (Bas Rhône Languedoc, Rhône Ventoux, Canal de Provence…), soit de forages qui puisent dans les nappes phréatiques. La question de l’utilisation des ressources naturelles se pose alors, d’autant plus dans des régions où l’eau fait défaut.

Pour d’autres professionnels, c’est peut-être de la science que viendra la solution.

A l’INRA (Institut National de recherche agronomique) du Pech Rouge à Gruissan (Aude), une dizaine d’hectares de variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium certaines très anciennes, plantés en 2012, sont cultivés sur les contreforts du massif de la Clape.

C’est la 2ème récolte de blancs et de rouges sur ces vignes exemptes de tout traitement phytosanitaires.

Elles sont intrinsèquement résistantes, de par leurs gènes, qui déclenchent un mécanisme de défense et ainsi évitent la propagation des agents pathogènes.

“Finalement, cette année montre que cette tolérance marche très bien dans des conditions extrêmes. Il faut passer par une année comme celle-là pour avoir la preuve que ça marche,”

Hernan Ojeda, Directeur de l’unité INRA du Pech Rouge.

Les viticulteurs préparent un plan stratégique pour pérenniser le vignoble régional face au réchauffement climatique : ils pourront notamment choisir de nouveaux cépages résistants , tous ces cépages permettent de limiter considérablement l’usage des produits phytosanitaires et acceptent un accès à l’eau limité.

Le jacquez reviendra t’il à la mode ?

L’INRA Montpellier met ses compétences au service du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche afin de développer une méthode d’étude du cépage.

“Le Jacquez semble être un cépage résistant aux contraintes hydriques”

Le Jacquez est cultivé depuis plus d’un siècle en Cévenne méridionale ,

les parcelles qui le supportent sont celle d’origine, elles sont âgées de 130 ans,

et toujours présentent sur le territoire.

Certains pieds ont l’âge de la parcelle et présentent une vigueur impressionnante,
d’autres ont été marcottés plus récemment.

Ceci montre bien une acclimatation du cépage au
terroir cévenol.

Tous les arguments qui ont joué en défaveur du Jacquez lors de l’interdiction de 1935 sont
aujourd’hui controversés.

Les taux de méthanol mesurés ne dépassent pas la norme, certains vins en contiennent à plus forte dose, notamment les vins de presse.

Il présente une forte typicité, qui plait ou non, et qui sait séduire bon nombre d’amateurs.

Il s’est acclimaté au terroir cévenol en accompagnant le réchauffement climatique : La bonne résistance phytosanitaire fait du Jacquez un cépage doté d’un intérêt environnemental certain car il n’est pas nécessaire d’employer de grande quantité d’eau pour le voir prospérer …

Alors nos punis reviendront ils à la mode ?

C’est la DRAAF Occitanie, au nom de l’Etat, qui est chargée de piloter le groupe de travail des interprofessions afin d’élaborer la feuille de route de la filière Agricole en matière d’adaptation au changement climatique , c’est l’organisme qui aura le dernier mot !

Si vous partez en randonnée et que vous croisez des anciennes vignes à l’abandon , alors pensez au Jacquez , il le mérite bien !